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CHOISIS TON PATRIMOINE ET JE TE DIRAI QUI TU ES




CHOISIS TON PATRIMOINE ET JE TE DIRAI QUI TU ES


Pater - patrie - patrimoine, plus qu’un jeu étymologique, c’est décidément trois notions chatouilleuses que l’élection d’un patrimoine ne manque pas de convoquer. Choisir tel ou tel édifice, objet, pratique ou savoir-faire comme patrimoine, c’est affirmer ses artisans, habitants, possesseurs et utilisateurs, comme pères potentiels ou génériques ; c’est affirmer leur place d’égaux sur un territoire, dans une communauté historique, sociale et politique.

Ceci explique sans aucun doute les frilosités qui saisissent une part du personnel politique quand il s’agit d’élire au titre de patrimoine collectif quelque chose que les représentations coloniales et racisantes ont toujours rangé à l’étagère de l’étranger, de l’exotisme, du temporaire (ou du « bientôt parti »). Tel semble être, en tout cas, l’un des points de blocage en ce qui concerne la reconnaissance du Foyer Moïse de Rouen - Foyer de Travailleurs Migrants, en tant qu’Architecture Contemporaine Remarquable par son propriétaire : Rouen Habitat.

Passons sur le fait que cet acteur majeur de l’habitat sur la Métropole Rouen Normandie se pense plus légitime que les habitants-mêmes à décider de ce qui est digne ou non pour eux, ravivant de fait un paternalisme pour le moins anachronique.

Passons également sur l’argument de la présence massive d’amiante dans l’édifice, qui justifiait l’absolue nécessité de le détruire, et dont les habitants attendent toujours la preuve.

Passons sur le « Plan de traitement des foyers de travailleurs migrants » voulu par l’État et que la destruction annoncée de Moïse se fait fort de réaliser sur les ruines de l’Histoire.

Passons sur la piètre qualité architecturale du projet de remplacement, les arbres abattus, l'emprise au sol qui s'étend.

Passons, enfin, sur la tentative municipale de présenter la demande de reconnaissance du Foyer au titre d’Architecture Contemporaine Remarquable, pour une démarche fétichiste de préservation d’un simple escalier.

Passons, oui.
Passons et ouvrons !

En ces Journées européennes du patrimoine 2024 dédiées aux itinéraires, réseaux et connexions, ouvrons Moïse.

Avec les habitants de ce lieu, invitons à prendre acte de toutes les dimensions de ce foyer, pensé par son architecte comme un « centre d’attraction et d’accueil pour les membres des communautés sénégalaise et mauritanienne de la région rouennaise ». Un lieu qui, dès sa création, se veut comme un pont entre ici et l’Afrique mais aussi comme le nœud d’un maillage régional.

Prenons acte et nommons ce que les propriétaires taisent et veulent détruire : un édifice comportant salle de classe, bibliothèque, salle de réunion, bar, atelier de couture, forge… Et ne réservant à l’hébergement conventionnel que deux tiers de sa surface.

Un espace à vocation consulaire.
Un tiers-lieu naturel sans expert ni gestionnaire de la domestication des loisirs.

Prenons aussi acte par le récit des résidants d’une histoire du patrimoine industriel local, si souvent vanté, et de ces patrons qui faisaient la queue aux portes du foyer pour embaucher dans le textile, la métallurgie, l’automobile, la pétrochimie, le domaine portuaire.

Prenons enfin acte de la solidarité ici à l’œuvre : accueil des non-résidents, cuisine collective et partage. Au-delà, exhumons sous la paperasse les questions fondamentales que ce lieu convoque : celle de la démocratie participative, de la citoyenneté réelle, des droits culturels, du coût écologique d'une démolition, ou celle de ce qu'est véritablement un tiers-lieu.

Oui, les labels sont davantage des rosettes à la boutonnière que des boucliers contre l’abject. Et celui que nous demandons ne prétend pas arrêter les pelleteuses ; mais faire entendre et faire porter un regard autre sur ce lieu et ceux qui l’habitent. Amener à l’intelligibilité ou à l’audible une parole, une réalité, qui refuse d’être entendue. En somme, réamorcer, ailleurs et différemment, un dialogue rompu entre habitants, propriétaire, bailleurs. Et peut-être faire prendre conscience à ces derniers de la richesse dont ils sont devenus dépositaires.

Aujourd’hui, reconnaissons comme nôtre cette histoire singulière qui nous a nourrie.
Et comme patrimoine ce lieu qui lui permet d’exister.

Un texte de Stany Cambot pour Echelle Inconnue,
Publié le dimanche 22 septembre 2024


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Journées du patrimoine 2024

Visite commentée du Foyer Moïse

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