Un événement organisé dans le cadre du projet d’Echelle Inconnue Cinéma sur les ruines du futur – Fiction documentaire sur la métropolisation de la vallée de la Seine
LES RENCONTRES DU CONT[r]E DE L’AXE SEINE
« Il n’existe qu’un seul monde, et des moyens de le détruire supérieurs à ceux pour le sauver. Nous sommes cependant riches de présents mais aussi de futurs. Riches de la capacité de voir le futur qu’ils nous promettent mais aussi riches de celle d’en écrire de nouveaux, susceptibles de causer un maximum de dommages au leur. » Stany Cambot, Écrire sur les ruines du futur – Revue #11 d’Echelle Inconnue
En juillet 2024, Anne Hidalgo se baigne dans la Seine en compagnie du préfet alors que la police expulse des migrants des rives du Canal Saint-Denis.
En quoi ces deux événements participent-ils de la construction d’un même projet ?
Tout comme y participent la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’été 2024 sur la Seine, l’élargissement des Nuits Blanches à 26 communes jusqu’au Havre, la création de la première Zone Économique Spéciale de France à Port-Jérôme-sur-Seine (76), un appel à manifestation d’intérêt pour une logistique urbaine fluviale décarbonée ou celle du projet touristique « La Seine à vélo », la création d’une société d’économie mixte pour le développement des énergies renouvelables, la construction des plus grandes unités de production d’hydrogène et de retraitement des matières plastiques au monde, ou la peinture impressionniste.
Nous voilà malgré nous devenus les personnages (secondaires) d’un « grand récit » ; celui d’une Métropole qui voudrait s’étendre le long d’un fleuve sur près de 300 kilomètres pour rejoindre la mer.
Une fiction dans laquelle, sans jamais l’avoir demandé, nous vivons désormais : l’Axe Seine. Un projet – bien réel – de transformation de la vallée qui s’étend de Paris jusqu’au Havre, en métropole industrialo-portuaire géante, sur le modèle de la Cité-État de Singapour. Une nouvelle entité territoriale prête à ringardiser l’État-nation pour jouer la concurrence avec d’autres villes-mondes.
11 millions d’habitants, 28 % à 35% du PIB français, 3 millions de conteneurs maritimes, 35 % des entreprises étrangères implantées en France, onzième destination touristique mondiale. Tout à la fois corridor logistique, usine, espace de rédemption écologique, symbole identitaire et force d’attractivité, l’Axe Seine se dessine comme un territoire autonome, dans lequel les contraintes sont assouplies en vue d’un développement économique rapide – comme l’écrit Jacques Attali : « Il n’est plus loisible de prendre son temps là où la concurrence locale, régionale et mondiale, impose d’aller vite aux décisions ».
C’est un conte de fée écrit dans la précipitation, dans un présent qui hypothèque le futur, et relève moins de la promesse d’un paradis sur Terre que de l’Arche de Noé – capable de flotter sur les mers concurrentielles du commerce international, de jouer à la guerre entre « villes-mondes » et, sans rien lâcher de notre productivisme historique, nous sauver de l’extinction programmée.
C’est un récit total qui met en marche – et dans la même direction – l’ensemble de nos activités économiques, scientifiques, culturelles, éducatives… Appel à projets après appel à projets, rencontres après rencontres, l’Axe Seine finit par s’imposer comme une réalité pour les acteurs institutionnels, économiques, industriels et politiques. Et voilà déjà le modèle (dont on ne saisit pas les contours) prêt à être répliqué, comme l’affirmera un Président de la République enthousiaste, en visite à Marseille en juin 2023, insistant sur la nécessité d’un axe Méditerranée-Rhône-Saône, sur le modèle de l’Axe Seine et de son « tout en même temps : industrie, logistique, culture, tourisme ».
Pour construire, dans nos têtes en premier lieu, l’avènement naturel de cette nouvelle Rome, Constantinople, New-York ou Rotterdam, mille récits et actions s’agrègent, mêlant économie, innovation, logistique, chimie, BTP et, enfin, la culture… Qui doit finir de convaincre la population de l’évidence de ce projet. Mieux ! C’est aux mécaniques et outils de l’art, du spectacle et de la littérature, que le projet économique et politique fait appel pour unir ses acteurs – et nous-mêmes – en une culture commune.
Reproche est souvent fait aux artistes de mettre un pied dans le champ politique ; beaucoup plus rarement aux politiques de jouer aux artistes démiurges. C’est pourtant face à cette révolution copernicienne que nous nous trouvons peut-être : l’avènement d’une ère post-nationale et post-politique portée par l’élaboration de nouveaux grands récits (disons) territoriaux, dont les fondements restent à interroger, et que les contestations locales peinent à ébranler – sa réalisation semblant si rapide qu’elle ne laisse le temps d’en étudier sérieusement les conséquences et leurs interactions futures.
Mais l’Axe Seine est-il vraiment le Récit auquel rien ne peut faire face ? Trop large et complexe pour être appréhendé par l’analyse.
Ou manque-t-il simplement le ou les récits de ce qui, en de nombreux endroits, s’y oppose, l’inquiète, interroge ou met en doute ses supposées finalités et résultats escomptés, ou refuse simplement de s’y dissoudre ?
Comme les récits des (en)dommag(e)és collatéraux de ce conte libéral, qui émaillent déjà le fleuve d’un chapelet de contestations (contre l’enfouissement des déchets du Grand-Paris, la construction de hub logistiques, celles de nouvelles routes ou les pollutions, risques et nuisances qu’engendrent les nouveaux projets industriels). Autant de récits aujourd’hui parcellaires qu’artistes et chercheurs seraient bien inspirés d’investir, si d’aventure une certaine souveraineté de l’art ou de la recherche demeurait souhaitable, et l’élaboration de récits artistiques et scientifiques salutaire.
Mais quels récits seraient à la hauteur de la démesure de celui qui s’est peu à peu imposé comme un programme voué à inexorablement se réaliser ?
Contre-cartographie ?
Littératures de l’imaginaire ? Hard-SF ? Anticipation ?
Cinéma ? Séries ?
Contes ?
Comment l’exercice de cette mise en récit permet d’en interroger, tant les possibles conséquences que les façons d’y échapper. Comment, sans pour autant céder aux sirènes de la prédiction prospective, ces hypothèses narratives et fictionnelles peuvent-elles devenir cadre d’expérimentation et permettre de « construire ou restaurer une forme de responsabilité collective à l’égard de ce qui n’est pas encore advenu mais qui pourrait constituer le futur », comme le souligne Yannick Rumpala dans « Ce que la science-fiction pourrait apporter à la pensée politique ».
Comment ces récits-mêmes pourraient livrer, à temps cette fois, la matière de la réflexion et de l’exploration scientifique et, de-là, quelles nouvelles alliances entre artistes, chercheurs et populations conviendrait-il d’inventer pour échapper à la domestication ?
Voilà les questions qui animent ces « Rencontres du Cont(r)e de l’Axe Seine », invitant habitants, société civile, collectifs, artistes et chercheurs, riverains ou internationaux, à envisager quelle reconstruction des imaginaires impose le présent dont l’Axe Seine semble être le symptôme.
Voilà l’objet de ces rencontres : libérer le futur ou l’avènement des mots géants !
PROGRAMMATION Stany Cambot – Echelle Inconnue Julie Davainne – Echelle Inconnue Romane Soler – Doctorante en sociologie au sein du laboratoire DySoLab de l’Université Rouen Normandie
Programme à venir [en cours de construction]
Pour plus de renseignements, vous pouvez d’ores et déjà nous contacter à l’adresse mel[a]echelleinconnue.net
- Echelle Inconnue, Rouen
RESERVATION POUR LE VENDREDI 21, SAMEDI 22 ET DIMANCHE 23 MARS 2025 ROUEN
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