Il s'agit, dans le cadre d'ateliers hebdomadaires dans les murs-mêmes du foyer, de construire collectivement avec les personnes qui y vivent, une vision patrimoniale du lieu en tant qu'architecture mais aussi en tant qu'expérience sociale et manière d'habiter.

Habitants du foyer depuis sa construction pour certains, pas un ne désire le voir détruit, ni être relogé dans du neuf « bénéficiant de tout le confort moderne ».

À leur invitation, nous nous installons et travaillons avec eux à rendre audible au-delà de ces murs, les irremplaçables qualités de ce lieu. Coréalisant des entretiens, organisant des séances de visionnage collectives, mettant en débat rushs et esquisses de montage, inventant des scènes, collectionnant les objets constitutifs d'un musée de la vie ici, nous « patrimonialisons » le lieu. Nous construisons tout à la fois un projet de film qui veut dépasser le simple objet mémoriel (ces albums, pierres tombales institutionnelles coutumièrement offerts à ceux dont on détruit l'environnement) et instruisons des dossiers d'inscription au patrimoine du lieu tout d'abord, au titre d'architecture contemporaine remarquable ; de son histoire ensuite et de la manière dont il est investi au titre de patrimoine immatériel de l'UNESCO (¹), instruisant par là une reconnaissance plus large et internationale de l'expérience de la vie en foyer et, entre autre, de l'exemple d'entraide intergénérationnelle et de lien avec l'extérieur qui s'opère ici de manière choisie.

Il s'agit avec les habitants non pas de considérer ce lieu comme une Zone À Défendre mais comme un legs aux générations suivantes : legs physique si ce travail permet de surseoir à la destruction du foyer ; legs culturel dans le cas de sa destruction. C'est aussi restituer à ces hommes venus du Sénégal et de Mauritanie une certaine maîtrise de leur destin que la destruction tend à confisquer et leur poser en premier lieu la question : que garder de ce foyer pour construire le Foyer idéal ?

Un geste souverain pour dire ce patrimoine aussi immémorial que Moïse-même.

Nous n'entamons pas cette aventure seuls. Déjà 48 étudiants de l'École Nationale Supérieure d'Architecture de Normandie ont embarqué avec nous dans le cadre de leur enseignement. Rencontrant les habitants, les invitant dans le cadre de tables rondes à l'école à partager leur expérience et expertise, mettant ainsi à l'épreuve leur connaissance au réel. D'autres groupes, associations, professionnels ou étudiants rejoignent aussi cette traversée.

1) Nous inspirant ouvertement de l'initiative de nos camarades du PEROU visant à inscrire l'acte d'hospitalité au Patrimoine culturel immatériel de l'humanité.

https://www.perou-paris.org/actions#europe
https://www.persee.fr/doc/diver_1769-8502_2019_num_196_1_4843